Devant l'hôtel Stanislas

Les pneus usés de la vieille Polski-Fiat 125P crissèrent devant l'hôtel, réchauffant l'asphalte gelé par l'hiver polonais. L'intérieur de la Berline fut libéré d'un nuage de fumée lorsque la porte s'ouvrit, avant d'être rabattue avec violence. L'inspecteur Kravetz n'était pas du genre à prendre soin de ses affaires, d'autant plus lorsque celles-ci ne lui appartenaient pas. Après tout, si cette vieille épave qui lui servait de voiture de fonction voulait bien clamser, il aurait droit aux modèles plus récents qu'il avait pu observer chez ses collègues. Mais elle s'accrochait tout autant que lui à cette pénible vie, consommant des litres de pétrole pour survivre malgré le manque d'entretien. Heureusement, son essence à lui se trouvait à l'intérieur d'une flasque en argent qu'il venait de siphonner en sortant du véhicule. Chacun ses astuces pour continuer d'avancer, pour l'homme, ce n'était pas le sang-plomb 95 mais de bonnes gorgées de Zoladkowa Gorzka. Tandis qu'il rangeait le récipient dans une poche intérieure de son trench-coat, ses iris azurs firent une courte analyse des alentours. Une ville morose, bien terne, sentant le mort et la peine. En bref, il se sentait chez lui. La braise rongea le filtre dans une dernière bouffée, puis Mikolaj se débarrassa du mégot qu'il écrasa tout en retirant son chapeau, direction l'entrée de l'hôtel devant lequel il s'était garé.

Sofia peut voir clairement à la gauche de l'hôtel, en direction vers le bloc des HLM, un chemin qui mène à une cour. Elle voit une barrière qui a été cassé. Elle voit également une voiture en train de se garer et un homme en trench-coat qui en sort. L'homme se situe à mi-chemin entre la barrière et elle.

VISUAL CALCULUS (Sofia) - "Regarde bien la boue. Des traces de pneus. Une voiture a foncé dans dans l'obstacle puis à fais marche arrière direction le sud de la ville."

Mikolaj se trouve devant l'hôtel et s'immobilise ce qui semble pour les autres un bref instant.

FRISSON - Tout autour la pluie tombe sur Dantzig. La pluie coule de l'avant-toit et inonde les gouttières, emportant avec elle la saleté. L’hiver est bientôt là prêt à recouvrir toutes les traces. Le ciel est gris comme des grands cuirassés, les nuages s’entrechoquent pour ne laisser place à aucun bleu. Les gouttes ne cessent de tomber sur le monde.

L’imperméable se colle à ta peau dû à l’humidité. Tu commences à frissonner et la ville commence à frissonner avec toi.  

A l’est des draps de pluies recouvrant l’eau. Une volée d’escalier menant à l’océan. Vagues après vagues elles nettoient la côte de Dantzig avec ses bateaux de pèches rouges. la pluie dégoulinant des toits recouverts d’éternité. Les parpaings restants forment des constructions semi-finies.
Une ancienne station de recherche qui a autrefois été pris par les révolutionnaires.  Une vieille église en bois parvenant à peine à survivre aux flots, comme si elle avait été construite à l'image d'un bateau.

Au sud, tes cheveux sont un désordre huileux moucheté de cendres des centrales au charbon voisines. Des piles de fumée s'élèvent quelque part au loin.
La cité du charbon, le terminus de toutes les lignes et le commencement de beaucoup d’autres depuis la fin du régime.

Au nord, des embouteillages de camions. Les conducteurs regardent la mer dans leur rétroviseur. Non loin d’eux, la statue décomposée d’un ancien roi, lui aussi a trop froid. Le niveau du canal monte.
Les grandes portes du port industriel sont fermées. Des tas de caisses d'approvisionnement. Les conteneurs d'expédition en métal rouge et bleu glissent avec la pluie. Le grand port industrie est une montagne industrielle. D’immense richesses reposent à l’intérieur et une incalculable pauvreté réside dans les ombres.

A l’ouest des appartements HLM. D’immenses tours de blocs veillent l’une sur l’autre. Des balles d’après-guerres sont logées entre des murs déchirés par la guerre. Les couloirs sont en train de s’effondrer d’anciens tirs de mortiers d’une guerre qui a été menée il y a longtemps de cela. Les cordes à linges se perdent sous la pluie et la radio continue de jouer.
L'odeur persistante de décomposition se mélange à celle de la terre humide alors que la pluie continue de tomber sur des maisons de fortunes en bois.

La petite ford de Kryzystof se gare devant ce qui semble être une boutique de livres. Devant se trouve une petite fille en train d'essayer de rameuter des gens dans le magasin. Nous sommes Lundi et il est 9h25.

INLAND EMPIRE (Femme) - "Quelque chose va bientôt mal tourner dans cette ville. Dans quelques jours ça va être L'APOCALYPSE, il faut absolument qu'on fasse quelque chose et on a peu de temps, très peu de temps."

EMPATHIE - "Pauvre petite qui doit travailler sous la pluie ... Ses mains doivent être gelées".

En regardant de plus près Kryzysztof voit, en effet, que les mains de la petite fille sont rouges et il peut voir ce détail parce qu'elle n'a pas de gants.

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Les IA que possèdent actuellement Sofia restent silencieuses face à cette constatation. Elles ne semble pas avoir la réponse à cette question ou peut-être se trouve t-elle trop loin pour pouvoir l'analyser ? Mais cela n'arrête pas Sofia qui rentre dans l'hôtel.

L'hôtel semble a priori désert hormis une dame en chaise roulante et un homme se tenant derrière un comptoir rempli d'alcool. Au fond de cette pièce se trouve une volée d'escaliers qui montent.

Marchant au rythme de sa musique qu'il fredonnait encore, la voix de sa femme résonnait dans sa tête, suffisant pour lui faire esquisser un sourire malgré le cataclysme annoncé. Comme s'il tenait une conversation normale, Krzysztof répondait à voix haute sans vraiment faire attention aux éventuelles personnes qui l'entouraient.

- L'apocalypse ? Oh oh ! Voilà mon petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne voulez pas me dire, ma chère et tendre. Je vous entends, le rideau ne se fermera pas avant que je l'ai décidé.

Passant devant la boutique de livres auquel il ne prêtait pas vraiment attention sur le moment, son regard croisait à peine la petite fille frigorifiée, lorsque la voix de sa propre fille résonnait dans sa tête. Suffisant pour qu'il s'arrête, osant à peine imaginer ses mains gelées, Krzyzstof fit un demi tour avec une certaine élégance, avant de s'approcher de ladite petite fille. Rejoignant son parapluie dans les mains de la gamine, il s'exclamait.

- Voilà où les jeunes gens sont réduits par la maudite avarice des pères et on s'étonne, après cela, que les fils souhaitent qu'ils meurent ! Prenez mon parapluie, jeune dame, et gardez-le jusqu'à votre travail terminé !

Actuellement il n'y a pas vraiment beaucoup de monde autour de Krzyzstof hormis la petite fille et une femme tirant sur la quarantaine, très musclée, en train de regarder les livres à travers de la vitrine du magasin.

INLAND EMPIRE - "Cette affaire n'est pas comme les autres. Cette fois-ci d'autres pourront changer la tragédie sur le point d'arriver sur cette ville".


La petite fille ne semble pas comprendre tout ce que dis l'inspecteur mais un large sourire se fend sur son visage lorsque celui-ci lui tend, et donne, le parapluie.

- Merci M'sieur vous êtes bien sympa !

EMPATHIE - "Elle semble heureuse que quelqu'un s'inquiète de son sort."

- Vous voulez acheter un livre ? On a des romans à l'eau de rose, des livres d'histoire et même des histoires de détectives ! Ce sont mes préférés ! Vous voulez rentrer à l'intérieur jeter un œil ?

DRAMA - "Elle joue un rôle qu'elle tente de ne même pas cacher : la pauvre rabatteuse malheureuse pour attirer des clients. Par contre je doute qu'une enfant pousse le jeu aussi loin au point d'attendre dehors dans le froid et d'avoir les mains frigorifiés"

INLAND EMPIRE - "Peut-être qu'elle attend dehors parce qu'il y a quelque chose d'encore plus effrayant à l'intérieur ?"

EMPATHIE - "Même si elle est là pour rabattre des clients ... Elle dit la vérité ! Les histoires d'enquêtes sont ses livres préférés".

- Pas maintenant. Pas maintenant putain, il pleut.

Un soupir s'échappa d'entre ses lèvres avant qu'il ne soit contraint d’arrêter sa course à l’entrée de l’hôtel. Un premier frisson vint caresser le bas de son dos pour remonter jusqu'au creux de sa nuque. Sa vue se troubla légèrement, obligeant l'inspecteur à fermer les yeux. Ses paumes, elles, se joignirent et s'entremêlèrent pour se caresser lentement, comme si ses mains recelaient d'informations que son toucher pouvait dénicher. La pluie s'écrasant sur son cuir chevelu se mêla intelligemment à l'odeur iodée du port qui venait d'envahir ses narines. L'humidité, le froid, le bois... La pauvreté, la peine, la mélancolie... Les interprétations se succédaient et ne le déboussolaient pas, peignant un quotidien dans lequel il était encré depuis trop longtemps.

- Douce Pologne, tes inégalités ne m'étonneront jamais. Bref.

Le pouce et l'index de Mikolaj rejoignirent ses paupières encore clauses. Celles-ci se rouvrirent instantanément tandis que son buste se tourna vers l'Ouest, accompagnant son regard dans la même direction. Sous l'averse, l'immobilité presque impériale du Polonais venait d'être rompue par l'avènement d'une nouvelle odeur. Il ne la connaissait que trop bien, malheureusement. Qui sait si celle-ci était liée à l'affaire qui l'avait mené ici ? Après avoir gravé l'ensemble de ses ressentis des environs, il entra dans le bâtiment d'une démarche d'autant plus engagée.

- Fait chier.

C'était le seul commentaire pertinent qu'il avait trouvé pour décrire le mauvais pressentiment qui sommeillait en lui.

Alors que le regard de Krzyzstof était planté dans celui de la petite fille et qu'il ôtait ses mains de son parapluie, la voix de sa femme commençait à l'inquiéter quelque peu. Il n'était pas courant qu'elle soit si méfiante et dramatique vis à vis d'une enquête. Restant alors quelques instants sans rien dire, il revint à la réalité et à sa discussion avec la petite fille.

- J'ai peur que le temps joue contre moi, ma petite. Mais, faites vite ! Peut-être arriverez-vous à tester ma curiosité sur une histoire de détective !

Passant une main par dessus la gamine, il venait d'ouvrir la porte, et d'une révérence théâtrale, l'invitait à rentrer dans sa propre boutique. Bien qu'il ne comptait pas rester la journée ici, il était toujours utile de tâter le terrain autour du lieu d'un potentiel crime. Ne sait-on jamais... Scrutant la pièce dans laquelle il était rentré et observant les personnes présentes, son regard se tournait rapidement vers la gamine.

- Quiconque vous utilise doit être très fier de vous, n'est-ce pas ?

Mikolaj voit devant lui une petite asiatique passé devant lui et rentrer également dans l'hôtel, ce premier lui emboîte le pas.

L'hôtel semble a priori désert hormis une asiatique, une dame en chaise roulante, un homme se tenant derrière un comptoir rempli d'alcool. Au fond de cette pièce se trouve une volée d'escaliers qui montent.


ELECTROCHIMIE - Une belle réserve d'alcool derrière le barman. Je suis sûr que ça nous aidera pour l'enquête. Montrons un peu à cette ville comment un vrai détective fait la fête.



La petite fille résiste lorsque Krzyzstof tente de la faire rentrer dans le magasin.

- Je ne peux pas rentrer, monsieur, je dois travailler pour ma maman sinon on va faire faillite.

DRAMA - "En tout cas, même elle a l'air de croire à son propre rôle."

EMPATHIE - "Elle dit la vérité. Il faut la croire !"

- "Le crime de l'Orient-Express" est vraiment bien ! Vous vous êtes déjà demandé comment résoudre une enquête dans un train en marche ? Hercule Poirot est un super détective en plus ! Si vous avez des goûts plus classiques il y a toujours "Une étude en rouge" le premier tome de Sherlock Holmes ! Et là où il rencontre son assistant : Watson. Sinon il y a aussi "Le faucon de malte"  où on suit un détective à la morale floue !

Krzyzstof n'a pas besoin de rentrer dans le magasin pour voir qui se trouve dans celui-ci. Il est tout simplement vide avec une femme qui se tient derrière un comptoir, probablement la propriétaire des lieux.

Dans l'ombre de la jeune femme s'était glissé l'inspecteur Kravetz. Après quelques pas seulement, leurs chemins se séparèrent tandis qu'il prit la direction du bar, évidemment guidé par son intelligence artificielle. Il installa ensuite sa vieille carcasse sur un tabouret, jonchant tout d'abord l'asiatique du regard - sans discrétion - avant de se retourner face au barman.

- Whiskey. Un double, s'il te plaît.

Sa main passa dans ses cheveux pour en dégager un peu d'eau. Il déposa son chapeau sur le comptoir, sortit un paquet de cigarette pour vérifier l'état de ces dernières, puis marmonna diverses insultes en réalisant qu'elles étaient infumables.

- Putain quel temps de merde. C'est qui la chinoise ? demanda-t-il une fois servi.

- Vous êtes de très bons conseils. Vous savez alors qu'Hercule Poirot ne dénonce pas les coupables à la fin de l'oeuvre de Madame Christie. Était-ce une décision juste selon vous ?

Kryzsztof haussait un sourcil à la petite fille en souriant, tout en tapotant son front du doigt pour qu'elle réfléchisse à sa phrase. Il était évident avec les informations que les IA avaient concocté que sa mère n'en avait que faire de la santé de sa fille. Malheureusement, elle n'osait rien dire, perdue dans une autorité qui la dépassait.

Quoi qu'il en était, le détective entrait dans la boutique, n'attendant pas vraiment de réponse de la part de la gamine dont il ignorait encore le nom. Se dirigeant vers le rayon des livres, il effleurait la couverture de l'oeuvre de Sherlocke Holmes, avant de la prendre en main. Se dirigeant vers la caisse, il déposait le livre en souriant et en le caressant une nouvelle fois. Puis il abaissait ses lunettes pour regarder la mère.

- Votre fille est de très bons conseils ! J'ai été étonné par sa connaissance sur les œuvres de détective.

L'homme ne semble pas très bavard. Tellement pas bavard qu'il ne dit pas un mot à l'homme et lui sert rapidement sa boisson. Apparemment il n'est clairement pas là pour faire la discussion.

ELECTROCHIMIE -" Regarde mieux derrière le comptoir. Il vend aussi des cigarettes !"

Son visage change de tout au tout en voyant le badge de Sofia. Il semble même en colère.

- Je ne surveille pas les appels de mes clients mais ICI personne n'appelle jamais la police.

Inutile de préciser qu'il insiste bel et bien sur le "ICI".

- Mais si vous faisiez votre boulot pour une fois ? Il y a un gars pendu à un arbre prés des HLM, dans la cour devant les appartements. Ce n'est pas bon pour les affaires.

VISUAL CALCULUS (Sofia) - C'est au-delà de la barrière cassée.

Un sourire apparut sur le visage de l'inspecteur lorsque Sofia se présenta. Du dédain ? Peut-être, peut-être pas, il se contenta de sortir sa plaque de la poche intérieure de son trench-coat en guise de réponse.

- Inspecteur Kravetz, police de Lubelskie.

Mikolaj se retourna suite aux paroles agressives du barman, visiblement irrité par le ton qu'il venait d'employé. Sec et froid, il s'exprima d'un air intimidant.

- Faites le votre et donnez-moi un paquet de cigarettes.

Il était passé du tutoiement au vouvoiement, signe que la relation "amicale" qu'il avait tenté d'instaurer en arrivant était de l'histoire ancienne. D'une traite, il avala le contenu du récipient servi précédemment puis déposa un billet sur le comptoir avant de récupérer ses affaires.

- Fait chier putain.

Un soupir, puis l'inspecteur ne perdit pas une seconde de plus avant de quitter l'hôtel en ignorant les supposées remarques ou questions de ses interlocuteurs. Il connaissait déjà sa prochaine destination et prit donc la direction de sa vieille 125P.